Rupture de Kérosène à l’AIBD: quelles peuvent être les conséquences directes sur l’économie sénégalaise

Dans une lettre adressée au directeur général d’AIBD SA, vendredi 15 avril 2022, la Société de Manutention de Carburants Aviation (SMCADY) annonce deux semaines «d’indisponibilité de carburant aviation (Kérosène) ». Ce, à compter du mercredi 20 avril 2022 à 12 heures. Cette possible indisponibilité pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’économie sénégalaise.

Va-t-on vers des jours sans vols au Sénégal ? A travers une lettre en date du 15 avril 2022, le directeur Général de l’AIBD SA a été informé par le directeur général de S.M.C.A.D.Y, société en charge de l’approvisionnement du kérosène, des difficultés dans l’avitaillement dudit carburant à compter du 20 avril.

Cette situation résulte de plusieurs facteurs selon la direction de l’Aibd et le gouvernement sénégalais. « Face à cette situation consécutive à une conjoncture internationale défavorable qui, conjuguée avec les tensions inédites sur les prix de certaines matières premières, ont fortement perturbé le système d’approvisionnement en kérosène de ladite société. La production d’hydrocarbures est directement impactée, et ce partout dans le monde », souligne-t-elle dans un communiqué.

Du côté du gouvernement, en l’occurrence le ministre du Pétrole, trois facteurs expliquent cette situation. Il s’agit d’abord d’une conjoncture internationale, selon Makhanta Gueye, conseiller technique du ministre de Pétrole en charge de l’aval des hydrocarbures. Invité de RFM matin, M. Guèye explique que quand les pays européens ont levé les restrictions liées à la covid-19, les gens commencé à voyager c’est le premier élément. Le second élément qui a impacté cela, dit-il, c’est la guerre en Ukraine. L’autre élément aussi c’est l’arrêt au niveau de la Société africaine de raffinage (SAR). Tous ces facteurs conjugués ont conduit à la situation actuelle.

Cependant, ces deux entités sont toutes déterminées à trouver une solution rapide. L’AIBD.SA qui est un acteur principal de la plateforme aéroportuaire nationale au service de l’intérêt général, s’est « résolument engagé dans la recherche de solutions afin d’assurer la continuité des activités aéroportuaires au niveau du Sénégal ».

C’est ainsi qu’à partir du samedi 17 avril 2022, selon toujours la direction, « tous les opérateurs aériens opérant à l’Aéroport international Blaise Diagne sont requis de prendre les dispositions nécessaires pour transporter la quantité de carburant nécessaire pour assurer l’autonomie en carburant des vols retour ».

Et dans ce sens, « des dérogations exceptionnelles pourront toutefois être accordées, sur demande, par l’Agence nationale de l’aviation civile et de la Météorologie (ANACIM) pour répondre à des contraintes opérationnelles de certains transporteurs aériens. L’AIBD restera ouvert à l’exploitation durant cette période ».

Afin d’éviter des jours sans vol, le ministère du Pétrole veut coute que coute faire redémarrer la SAR. Mais aussi, il invite les importateurs du jet à jouer un rôle crucial. « Je lance un appel aux gens qui importent du jet. Ce sont des clients qui qui ont signé des contrats avec les compagnies aériennes qui appartiennent à des multinationales. Eux aussi doivent aller chercher du kérosène même si c’est à l’étranger pour que le pays ne souffre pas. Ils ont un rôle à jouer parce que l’Etat les soutient. Le but c’est de régler le problème le plus rapidement possible ».

Selon le conseiller technique, la SAR a pris des engagements fermes pour démarrer avant la fin du mois. D’ailleurs les autorités vont se réunir aujourd’hui (mardi 19 avril) avec tous les acteurs y compris la SAR pour redémarrer rapidement pour un approvisionnement correct. Par ailleurs, il a rassuré que même au-delà des jours d’autonomie cumulés, il y aura toujours du Kérosène, car des cargaisons sont en cours. Il y a une qui doit quitter l’ile du Cap-Vert dans les  jours à venir.

Dans l’alerte du directeur de la SMCADY, Baye Momar Kébé, il est indiqué que « les opérations d’avitaillement des aéronefs ne pourront plus se poursuivre ». Par conséquent, les avions, qui transitent à Dakar, devront faire leurs opérations d’avitaillement dans les pays de la sous-région qui ne sont pas encore touchés par la rareté du kérosène.

Ce qui ne sera pas sans conséquences sur le taux de fréquentation de l’aéroport international Blaise Diagne de Diass, hub aérien sous-régional avec 3 millions de passagers, 80 000 mouvements d’avions commerciaux par an et plus de 300 destinations. Celui-ci (le taux de fréquentation) en sera, à coup sûr, affecté.

Abdoul Mbaye, ancien Premier ministreLe tourisme et les affaires seront impactés « Étant donné que l’Aibd va manquer de kérosène pendant une quinzaine de jours, les raisons sont plus ou moins multiples. J’ai entendu des gens dire que ce sont les conséquences de la guerre Russie-Ukraine, y a d’autres qui parlent de d’arrêt de travail au niveau de la SAR entretien etc. Mais quelque soit alpha, dans des situations pareilles, il faut prévoir des stocks au moins pour trois mois. Quand on gère ce genre d’activité il faut prévoir des stocks qui peuvent couvrir les besoins pendant trois mois. Parce que les répercussions vont forcément impacter les économies », a expliqué le Dr Serigne Ousmane Beye, enseignant en Sciences économiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Selon lui, « beaucoup de transactions en termes de flux réel passent par les transports aériens. Et les transports aériens sont beaucoup plus délicats parce qu’ ils transportent des produits périssables. Il y a des produits qu’on ne peut pas transporter par bateau parcequ’ils sont périssables. Il faut tout de suite les transporter en un laps de temps dans un délai cours » L’autre aspect qu’on peut retenir comme conséquence, c’est le tourisme et les affaires.« Parce que le tourisme balnéaire et les gens qui viennent pour faire des affaires à Dakar. Donc tous ces gens sont obligés de rester chez eux parce que le kérosène, c’est le carburant de l’avion. S’il n’y a pas de Kérosène, ça veut dire qu’il y a forcément arrêt de l’activité au niveau de l’Aibd. Et forcément ça se répercute sur l’économie nationale. C’est un manque à gagner». Dr Beye renseigne qu’en termes d’approvisionnements, on n’attend pas qu’il y ait un couac. « J’enseigne la gestion des stocks à l’université. Les approvisionnements, on n’attend pas qu’il y ait un couacs. Même en temps de paix, il faut prévoir des stocks qui peuvent couvrir les besoins pendant au moins 3 mois. Ça c’est important en gestion des approvisionnements et besoins ». Cependant, il n’a pas manqué de proposer des solutions pour éviter le pire. « Il faut que les décideurs prennent rapidement des mesures conservatoires. Qu’on essaie de voir avec quel pays on peut tout de suite nous prêter. Il faut recourir à l’emprunt bancaire ou les marchés monétaires. Il faut mobiliser les banques car on ne peut pas laisser cette situation continuer ». « Une catastrophe », selon Abdoul Mbaye De son côté, l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye a jugé cette situation catastrophique, le fait qu’on n’en arrive à évoquer un manque de kérosène. « Tout ce qui concerne la mal gouvernance ne me surprend pas. Ce qui est triste dans cette affaire, c’est que nos avions se ravitaillent à Nouakchott, au Cap-Vert ou à Conakry. Comment peuvent-ils ne pas avoir de problème alors que nous, nous en avons. C’est incroyable. Mais, Macky Sall a laissé en place des ministres qui doivent partir. A la tête de l’Aibd, il y a quelqu’un qui a perdu aux élections locales à Ziguinchor et qui est inquiet. Ils ont d’autres soucis. C’est une catastrophe qu’on en arrive à un manque de kérosène ».
Malgré ces craintes, la compagnie nationale Air Sénégal a tenu à rassurer ses clients. Dans un communiqué publié sur son site internet, elle soutient avoir pris « toutes les mesures nécessaires pour la poursuite de ses vols durant cette période ». « Air Sénégal porte à la connaissance du public que toutes les dispositions sont prises à son niveau, afin de pouvoir durant la période annoncée, poursuivre ses opérations. La compagnie tient ainsi à rassurer ses passagers du déroulement normal de son programme de vols habituels avec les mêmes horaires », lit-on dans le texte.