Les quotidiens se font l’écho de la vague d’indignation consécutive à la mort en détention de l’ancien soldat François Mancabou, qui a été arrêté le 17 juin dernier à Dakar.
L’homme âgé de 51 ans est décédé mercredi soir à l’hôpital Principal de Dakar où il avait été admis en réanimation après avoir été placé en garde à vue.
Au moment de son arrestation, il détenait « une arme à feu de type Walter et de calibre 22, avec neuf minutions », selon le procureur de la République, Amady Diouf.
L’autorisation de port d’arme dont il était détenteur « était frappée de caducité depuis quinze ans », argue M. Diouf.
François Mancabou « a violemment cogné le mur et les grilles de la cellule » où il était placé en garde à vue, « sans que l’on sache réellement quelles étaient ses motivations », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.
« Les enquêteurs disposent d’images vidéo de treize minutes, qui seront versées dans la procédure », a ajouté le procureur.
Les autorités judiciaires soupçonnaient François Mancabou d’être membre de la « Force spéciale », un groupe de personnes accusées de vouloir fomenter des troubles dans le pays.
« La Police et le procureur parlent d’une vidéo filmée par une caméra de surveillance », rapporte EnQuête, ajoutant que « les avocats et la famille [du défunt] rejettent » cette version et « chargent les forces de l’ordre ».
« Nous n’accepterons pas de cautionner une vidéo qui n’ait pas été authentifiée par des experts », rapporte le journal en citant le militant des droits de l’homme Seydi Gassama, directeur exécutif de la section d’Amnesty International au Sénégal.
Selon L’Info, les organisations de défense des droits de l’homme réclament la constitution d’une commission d’enquête indépendante et une « autopsie (…) en toute transparence » de la dépouille de l’ancien soldat.
« Il est mort en détention au nom de la lutte contre le terrorisme (…) Depuis que la bataille contre le terrorisme est engagée, des citoyens sont arrêtés, placés en détention et libérés, souvent sans aucune [preuve de] cette accusation ou s’en sortent avec une peine assortie du sursis », commente Sud Quotidien.
« Le doute subsiste sur la mort de François Mancabou », fait remarquer Kritik’, Libération parlant d’une « vive polémique’ » consécutive au décès du détenu.
« Des crimes sans criminels »
Le Témoin Quotidien fustige la « version à dormir debout du procureur ». « Une dizaine de morts en moins d’une année, à la suite de manifestations ou d’accusations de terrorisme, toujours sous les balles ou les coups des forces de l’ordre », s’agace le même journal, ajoutant : « D’un Etat de droit exemplaire, le Sénégal est en train de devenir une dictature abjecte. »
« Au moment où certains font leur deuil et prient pour François Mancabou, accusé injustement de terrorisme et mort dans des conditions atroces, quelqu’un du côté de Dakar, tel un réalisateur, promet la sortie dans les bacs d’un film de treize minutes (…) Netflix devient un concurrent direct des acteurs de la justice », note Libération en citant Me Patrick Kabou, l’un des avocats de la famille du défunt.
« Il a été violemment torturé », soutient, dans le journal L’As, Me Amadou Diallo, l’un des avocats de la famille de François Mancabou.
Le Soleil annonce, en citant le procureur de la République, l’ouverture d’une enquête judiciaire qui sera menée par la Direction des investigations criminelles.
François Mancabou était chargé, au sein de la « Force spéciale », de « développer des stratégies d’attaque et de harcèlement contre les forces de sécurité pour les empêcher d’exercer leur mission lors de manifestations envisagées », écrit Le Soleil en citant Amady Diouf.
WalfQuotidien évoque une « liste macabre des crimes sans criminels » en énumérant des affaires judiciaires « rangées aux oubliettes » à la suite de faits présentant des ressemblances avec les circonstances de la mort de l’ancien soldat.
« Il serait décédé de manière accidentelle », écrit Le Quotidien sur la base des informations données à la presse par le procureur de la République.
Il annonce, en citant l’un des avocats de la famille du défunt, que plusieurs juridictions dont la Cour pénale internationale et la Cour de justice de la CEDEAO (15 pays d’Afrique de l’Ouest) seront saisies d’une plainte pour torture.
L’Observateur s’est intéressé au parcours de François Mancabou, qui a intégré l’armée en 1993 en se spécialisant dans la « protection défensive des points sensibles et des personnes ». Il fut garde du corps du député et ancien ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio.
APS