La situation en matière de sécurité et de droits de l’homme s’est quelque peu améliorée au Mali, a déclaré hier Alioune Tine. L’expert indépendant de l’Onu a néanmoins prévenu que cela ne devait pas occulter les défis sérieux à venir. Il a exhorté les autorités maliennes à ouvrir davantage l’espace civique et le débat démocratique.« Pour la première fois depuis le début de mes visites en 2018, j’ai noté une amélioration tangible de la situation sécuritaire, de la situation des personnes déplacées internes, de la situation des droits de l’homme ainsi que des dynamiques de paix endogènes, notamment dans le Centre du Mali », a déclaré l’expert indépendant de l’Onu sur la situation des droits de l’homme au Mali, Alioune Tine, au terme d’une visite officielle de dix jours.Le nombre de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits documentées au cours du dernier trimestre de 2021 par la Minusma a diminué de 27,10%. De même, selon le Cluster Protection, une diminution de 29,75% du nombre d’incidents de protection a été enregistrée entre novembre et décembre. Le Cluster Protection a noté une baisse significative des violations des droits de l’homme en fin d’année en général, à l’exception des violations du droit à la vie, où le plus grand nombre a été enregistré au cours du dernier trimestre de l’année 2021.L’un des indicateurs de l’amélioration de la situation sécuritaire est la récente diminution du nombre de personnes déplacées et de conflits intercommunautaires. Selon la matrice de suivi des déplacements (Dtm), le nombre de personnes déplacées a diminué de 13 %, passant de 401736 en septembre 2021 à 350110 en décembre 2021. Dans la région de Gao, le nombre de personnes déplacées a diminué de près de la moitié (49 %) entre septembre et décembre 2021. Cette diminution s’expliquerait notamment par la pacification progressive de certaines localités dans les régions du centre et du nord du pays.Toutefois, les améliorations tangibles de la situation ne doivent pas occulter les défis sérieux en matière de sécurité et des droits humains auxquels le Mali et la communauté internationale doivent s’attaquer pour consolider les progrès réalisés sur le terrain. Sur le plan de la sécurité, les groupes extrémistes violents, notamment la Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimin (Jnim), l’Etat islamique dans le Grand Sahara (Eigs) et d’autres groupes similaires, ainsi que les groupes armés communautaires dits d’autodéfense, continuent d’attaquer, de tuer et d’enlever des civils, a déclaré Tine dans un communiqué, ajoutant que les groupes extrémistes violents appliquent une interprétation stricte de la charia.« La bombe sociale la plus grave se profile à l’horizon avec l’effondrement du système éducatif », a-t-il dit, citant les chiffres de l’Onu, qui montrent que 320 écoles ont fermé en 2021, affectant près de 100000 élèves. Globalement, le nombre d’écoles fermées en raison de l’insécurité a augmenté de manière significative en passant de 1344 en janvier 2021 avec 403000 élèves affectés à 1664 écoles en décembre 2021 avec 499200 élèves affectés.« En outre, les fermetures d’écoles auraient contribué à l’augmentation des mariages précoces et à l’exode rural des filles, un phénomène qui a augmenté le risque d’exploitation et d’abus sexuels contre ces filles. L’insécurité continue d’avoir un impact considérable sur la situation des droits fondamentaux des femmes, avec la récurrence inquiétante de cas de violence basée sur le genre », a ajouté l’expert sénégalais.Au cours de sa visite, Tine a rencontré les autorités maliennes, la société civile et les associations de victimes, les organisations non gouvernementales, les diplomates et les Nations unies.L’expert de l’Onu s’est dit très préoccupé par le rétrécissement de l’espace civique, notamment du rôle des médias, et de l’opposition politique. « Ce climat délétère a conduit plusieurs acteurs à l’autocensure par crainte de représailles de la part des autorités maliennes de transition et/ou de leurs partisans », a-t-il renseigné non sans ajouter : «Je suis particulièrement préoccupé par le risque de confrontation et de violence entre les partisans des autorités maliennes de transition et les partis d’opposition ».Tine a appelé les autorités maliennes de la transition à prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir les actes de violence ou d’incitation à la violence et à s’assurer que les auteurs répondent de leurs actes. « Tous comptes faits, la communauté internationale et africaine doit reconnaître la nécessité de repenser les réponses sécuritaires au Sahel et j’appelle également au développement de stratégies de sécurité plus intégrées, axées sur la protection des populations civiles et de leurs droits humains fondamentaux », a-t-il plaidé.À l’issue de sa visite, Alioune Tine a publié une déclaration et soumettra son rapport annuel au Conseil des droits de l’homme en mars 2022.