Dans notre Chapitre consacré aux Migrations (20 reportages, mini-dossiers, interviews sur la question des Migrations au Sénégal), nous avons choisi de commencer par le Nord-est du Sénégal pour décrire une forme de migration très répandue: celle dictée par les conditions climatiques. Rien d’étonnant. Sur terre, l’homme étant à la recherche de bien-être, il a toujours migré quand il a senti celui-ci menacé.
Cette année une forte chaleur a été notée dans les localités du Nord-est du Sénégal dès le début du mois d’avril. Cette canicule peut frapper jusqu’au début de l’hivernage, prévu vers juin ou juillet. Les pics de chaleur ont coïncidé avec le Ramadan. Constat: On assiste une migration en masse des populations, notamment les personnes du troisième âge vers Dakar, à la quête de fraicheur.
Cette année, les musulmans pratiquants ont commencé le Ramadan au début du mois d’avril. La particularité, cette année, est que cela intervient en pleine période de chaleur dans certaines parties du Sénégal. Avec des températures qui effleurent très tôt le matin, les 30 degrés et qui fil des heures, vacillent entre 41 et 45 degrés.
Déjà, début avril, l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (ANACIM) a alerté sur les risques que pourrait entrainer l’exposition à la forte chaleur qui touche cette zone. Dans son bulletin, elle a évoqué « des températures élevées durant la période du 6 au 12 avril 2022 dans la partie sud-est du Sénégal. Des coups de chaleur pouvant entrainer un « épuisement, une syncope, une déshydratation sévère ou des crampes » seront probablement ressentis dans les parties sud de la région de Matam et nord-est de la région de Tambacounda, prévenait l’ANACIM.
Face à cette situation, les prévisionnistes ont recommandé un « suivi régulier des personnes vulnérables » (personnes âgées, handicapées ou dépendantes, personnes souffrant de maladies chroniques, femmes enceintes, enfants et nourrissons), dans la région de Tambacounda surtout, une partie des départements nord de Kédougou, sud et est de Kanel et Ranérou.
Conséquence !! On assiste à une migration en masse vers Dakar. De Tambacounda à Ourossogui, passant par Kidira et Bakel, les mouvements se sont multipliés. La preuve, le nombre de passagers devant rallier Dakar, est passé du simple au double, au vu des voyages notés lors de la dernière semaine précédant le mois de ramadan et même le début.
Billetteur, gare routière Bakh transport
Près de 1.500 passagers arrivent à Dakar par semaine
Une visite à « Bakh Transport », principale compagnie qui dessert ces localités du pays, a permis de conforté les faits. Selon Alassane, bagagiste, les mouvements vers Dakar ont quadruplé. « La semaine qui a précédé le ramadan et durant la première semaine, il y avait 4 bus qui quittaient Bakel passant par Ourossogui pour venir à Dakar. Et c’est chaque jour, du lundi au dimanche ».
Selon toujours ce bagagiste, le nombre de passagers varie en fonction des bus. Il passe de 44 à 55 passagers pour chacun des 3 ou 4 bus qui arrivent à Dakar par jour. C’est dire que près de 1.500 passagers arrivent à Dakar par semaine, en faisant le calcul.
Accroché à la gare, M. Sidibé, enseignant de profession dit avoir tout fait pour faire venir sa mère à Dakar. « Ma maman est septuagénaire. Bien que l’islam n’impose pas le jeune aux personnes d’un certain âge avancé, elle veut quand-même jeuner. Ce serait trop risqué de laisser pratiquer le ramadan à Bakel. Chaque année, je la fais venir et elle rentre pendant les fête de Tabaski (2 mois 10 jour après la fin du Ramadan, Ndlr)», a-t-il expliqué.
Fleuve de Bakel : des jeûneurs en quête de fraîcheur. 23 avril 2022
Des méthodes pour supporter la chaleur
Face à la chaleur éprouvante, la quête de la fraîcheur reste au-devant des préoccupations des jeûneurs qui vivent dans ces localités. Chacun y va de sa stratégie pour se rafraîchir. Avant la rupture, Moussa, 34 ans, qui vit dans village dans le département de Bakel, se verse plusieurs fois de l’eau sur le visage avant de s’en asperger aussi sur le corps.
En cette période de chaleur, les rives du fleuve de Bakel ne désemplissent pas. Les plages sablonneuses reçoivent plusieurs groupes d’individus alors que d’autres se cachent sous l’ombre des arbres. Chaque jour, Pape Djiby (22 ans) et ses camardes se rendent au fleuve de Bakel pour profiter de la fraicheur. Il y restent jusqu’aux environ de 18 heures.
« C’est la stratégie que nous avons trouvé ici, car jeûner à Bakel en cette période relève d’un véritable parcours d’un combattant. Quand on allume le ventilateur, ça dégage plus de chaleur. L’endroit idéal pour retrouver de la fraicheur, c’est au bord du fleuve. En ce mois de Ramadan, nous habitants de Bakel, nous ne devons pas avoir les mêmes grâces que celles de Dakar », dit-il en rigolant.